14 Octobre 2018
Ford GT40 GT/101 R est la superbe recréation commanditée par Claude Nahum de GT/101, le tout premier prototype de la Ford GT40, qui fût détruit lors des Essais d'Avril des 24 Heures du Mans 1964.
Je vous propose ici de raconter ici l'histoire de GT/101 en utilisant mes photos comme support.
L'histoire de la GT40 est liée au besoin de Ford de rajeunir son image pour rebooster les ventes de ses modèles sportifs.
Après avoir tenté de racheter Ferrari entre janvier et mai 1963, la multinationale américaine va se rapprocher des constructeurs de voitures de course anglais, et contacter Cooper, Lotus et Lola.
C'est finalement Lola qui est choisie, Eric Broadley ayant des exigences financières bien inférieures à celle de Colin Chapman et il accepte sans difficulté de travailler exclusivement sur le projet Ford sans que son nom y soit associé, le tout évidement contre une somme très confortable. De plus, il amène dans la corbeille de mariage sa propre GT, la Mk 6.
Ce joli petit coupé est apparu au Racing Car Show de Londres en Janvier 1963 et n'est pas passée inaperçu. Le concept est novateur et la petite GT est d'une extrême compacité.
Elle est bâtie autour d'un châssis possédant une structure centrale, semi-monocoque, constituée de deux caissons latéraux en tôle d'acier contenant les réservoirs. Ils étaient reliés par un tablier rigide et un treillis de tubes de section carré supportant les suspensions.
L'accessibilité dans la voiture était favorisée par deux échancrures dessinées dans le toit.
Le capot arrière, basculant, était fait d'une seule pièce, et abritait un gros V8 provenant de la Ford Fairlane, et qui, après une préparation chez Shelby, développait 350cv.
La Lola Mk6 GT Participa aux 1000 Km du Nurburgring et au 24 Heures du Mans 1963.
Sa première sortie ne fût qu'une longue et laborieuse séance de mise au point, mais au Mans, équipée d'un 4,7l, elle parvint à se hisser au huitième rang peu avant minuit, avant de sombrer au classement connaissant des problèmes de boîte.
David Hobbs, qui partageait la Lola avec Richard Attwood finira par détruire le joli prototype en sortant de la route, ayant loupé un rapport.
Mais Eric Broadlay avait construit trois autres Mk 6 GT.
Une fût vendue au milliardaire texan John Mecon. Équipée d'un V8 Chevrolet et confiée à Augie Pabst, elle s'imposa dans deux courses lors de la Speed Week des Bahamas fin 1963.
Le contrat avec Ford est signé le 1er Aout 1963.
Les deux autres MK 6 GT vont alors entamer une série d'essais intensifs. Un des châssis est expédié aux Etats Unis pour y être disséqué et étudié en détails, le second, équipé du V8 Indy et transformé en laboratoire accumule les kilomètres en Angleterre et à Monza. Bruce McLaren, Tony Maggs, Richie Ginther et Jack Sears se succèdent à son volant.
La somme de travail accumulé lors de ces essais et l'étude théorique du châssis anglais allaient servir de base à la conception de la future Ford GT, mais aussi à lui donner son nom de baptême. En effet, la Lola mesurait 101,6 cm de haut, le meilleur compromis aérodynamique/habitabilité selon Eric Broadley. En mesure anglaise, 101,6 cm, cela fait 40 pouces, la GT40 était née.
Pour dessiner et construire la GT40, Ford met en place une imposante équipe au sein de son antenne anglaise, la F.A.V. (Ford Advanced Vehicles).
Roy Lunn est chargé de la direction technique du programme en étroite collaboration avec Eric Broadley.
Ils reçoivent le soutient de trois ingénieurs : Len Bailey, pour la partie châssis, Ron Martin, pour la carrosserie, et Chuck Mountain.
John Wyer, qui vient de quitter Aston Martin, est chargé de la direction administrative et sportive.
Mais la petite usine Lola devient vite trop petite pour héberger tout ce beau monde. Début novembre 1963, la FAV emménage dans des locaux modernes et spacieux, situés à Slough, dans la banlieue de Londres et à proximité de l'aéroport d'Heathrow.
Le projet décidé par la direction général de Ford a un objectif unique : créer un coupé compact motorisé par un gros V8 maison et capable d'atteindre les 200 mph (320 km/h), il sera dénommé "Objectif 200".
La Lola est une bonne base de travail et fait gagner au projet un temps précieux, cependant, l'équipe est vite débordée et doit travailler jour et nuit pour tenir les délais fixés par la maison mère.
Malgré ces contraintes, la conception de la GT40 est abordée sous plusieurs angles novateurs pour l'époque.
En effet, une large place est donnée au confort du pilote : sièges ventilés et ergonomiques, aération de l'habitacle, isolation phonique et des dimensions intérieures suffisantes.
Initialement, des sièges équipés d'un coussin gonflable dont la pression pouvait être modifiée en course avaient même été prévus, mais l'idée, bien trop complexe, fut vite abandonnée.
La finition se veut particulièrement soignée elle aussi, notamment au niveau de la planche de bord, disposée en arc de cercle devant le pilote et bien instrumentée.
Sur le plan du châssis, les similitudes avec celui de la Lola Mk6 ne sont pas si évidentes que ce que l'on pourrait imaginer.
En effet, celui de la GT40 est entièrement monocoque avec un toit en acier (polyester pour la Lola) qui doit apporter plus de rigidité à l'ensemble. On retrouve cependant sur le pavillon les échancrures des portières facilitant l'accès à bord.
Coté moteur, le V8 culbuté 4,2 litres dérivé de la Fairlane est monté en position centrale arrière. Ce bloc en alliage léger, identique à celui de qui motorise la Lotus Indy développe 350 cv à 7000 tr/min.
Comme sur la Lola, la transmission est une boîte/pont Colotti à quatre rapports non synchronisés. Elle est démodée et peu fonctionnelle, mais c'est la seule boîte disponible sur le marché pouvant encaisser cette puissance. Devant tenir les délais, l'équipe de la F.A.V. n'a pas d'autre option que d'adopter la Colotti.
Le dessin de la carrosserie est confié au Styling Office de Ford dirigé par Gene Bordinat, qui a déjà réalisé la Mustang 1.
Une première ébauche est réalisée, équipée d'un pavillon basculant qui découvre la totalité de l'habitacle. Mais le projet n'est pas conforme au règlement de la FIA et une première maquette, beaucoup plus classique est ensuite réalisée.
Elle est testée dans la soufflerie de l'université du Maryland, et son aérodynamisme se révèle catastrophique. Le capot doit être raccourci, les flancs modifiés et le dessin du pavillon retouché.
La ligne fût arrêtée, dans sa version définitive, au mois de février 1964.
Un mois plus tard, le 14 mars, le premier châssis, GT/101, fabriqué par la société Abbey Panels de Coventry était livré à Slough.
Le montage final fût réalisé en une quinzaine de jour et, le 1er avril 1964, GT/101 était présentée dans les salons d'un grand hôtel proche de Heathrow.
Dans la foulée, elle est embarquée dans un avion direction New York pour participer, à la demande du service marketing de Ford, à un salon de l'automobile.
La semaine suivante, GT/101 est de retour en Angleterre pour effectuer quelques essais de roulage sur la piste du M.I.R.A. avant de prendre le chemin de la Sarthe pour les essais préliminaires des 24 Heures.
C'est donc neuves et vierges de tout développement que deux Ford GT/40 sont alignées pour ces Essais d'Avril des 24 Heures du Mans 1964.
Jo Schlesser pilote GT/101 et Roy Salvadori GT/102.
Les pilotes et les ingénieurs sur place vont vite se rendre compte que les savants calculs fournis par les ordinateurs de Ford concernant l'aérodynamique, le refroidissement et le freinage sont pour la plupart faux ou, au mieux, incomplets.
La GT40 est plus lourde que prévue et se caractérise, sous cette forme, par une instabilité chronique à haute vitesse.
Les pilotes vont faire leur possible pour maintenir la voiture en piste dans les Hunaudières et accumuler des informations.
Jo Schlesser va signer le douzième temps du weekend à 38 secondes d'un Ludovico Scarfiotti impérial sur la Ferrari 275P.
Mais peu de temps après, GT/101 lui échappe dans la courbe des Hunaudières. La sortie de route est spectaculaire mais fort heureusement le pilote est contusionné mais s'en sort plutôt bien.
GT/101, elle est totalement détruite. Elle ne fût pas reconstruite mais il semble que certains de ses éléments aient servi à compéter GT/103.
Refroidit par la mésaventure de son coéquipier, Roy Salvadori va être beaucoup plus raisonnable sur GT/102 en signant le 19ème temps à 51 sec 900 de la plus véloce des Ferrari.
Cela ne l’empêchera cependant pas de sortir lui aussi de la piste et d’abîmer l'avant de la seconde GT40.
La fin de l'aventure s’arrête donc ici pour GT/101, mais elle marque les débuts d'une auto qui allait devenir une des reines de l’endurance jusqu'à la fin de la décennie.
Toutes les photos de GT/101R ont été prises lors de l'exposition Ford/Ferrari, visible durant l'édition 2015 des 24 Heures du Mans.
Pour finir d'illustrer cet article, je vous met une photo de la Lola Mk6 GT #LGT-2, vue au Mans Classic en 2016.
C'est celle, avec le moteur Chevrolet préparé chez Traco, qui avait gagné à Nassau en 1963.
Sous cet angle, vous pouvez noter certaines analogies avec la GT40, notamment au niveau des échancrures de portes et du principe de capot basculant d'une seule pièce.
Sources : Alain Lacombe et Christian Moity, les Dossiers d'Auto-Passion ; Serge Bellu, les Cahiers d'Auto-Retro ; John S Allen, Ford GT40.