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Passion et Mans

Bugatti EB 110 LM #S16 (#ZA9BB02E0RCD39016)

Bugatti EB 110 LM #S16 aux Essais Préliminaires du 8 mai 1994
Bugatti EB 110 LM #S16 aux Essais Préliminaires du 8 mai 1994

 En 1994, Michel Hommell, patron de presse audacieux et passionné d'automobile va ramener Bugatti en terre sarthoise, après une absence de 55 ans. Je vous propose ce soir de vous raconter ce retour.


La résurrection de Bugatti.

 L'idée de faire revivre la célèbre marque de Molsheim est née au milieu des années 80 lors de discussions de plus en plus abouties entre quatre hommes : Ferruccio Lamborghini, le créateur de la marque de voitures de sport de Santa Agatha, Jean-Marc Borel, financier français et grand amateur de la marque au taureau, Romano Artioli, distributeur Ferrari en Allemagne et en Italie, et Paolo Stanzani, célèbre ingénieur automobile et père de la Contach et de la 288 GTO.
Le projet initial est beaucoup moins ambitieux puisqu'il se limite à la conception d'une supercar par une structure de taille réduite. Mais, au fur et à mesure, Romano Artioli se dit que le projet pourrait servir à concrétiser un de ses rêves, faire renaitre Bugatti de ses cendres.
Jean Marc Borel est enthousiaste mais Ferrucio Lamborghini, qui envisageait un projet beaucoup moins complexe se retire de l'aventure, même s'il apparaitra, en filigrane, tout au long de sa mise en place.
En mai 1987, après deux ans de rudes négociations, Borel et Artioli concluent un accord avec Messier Hispano Bugatti, une filiale du groupe aéronautique SNECMA, pour racheter le nom de la défunte marque automobile.
En octobre de la même année, la société Bugatti Automobili Spa est crée.
Fin 1987, Stanzani achète un terrain de 75000 m2 à Campogalliano à proximité de l'autoroute de Modène à Vérone.
Les travaux de construction de l'usine et du site d'essais débutent durant les premiers mois de 1988 sous la direction de Giampaolo Benedini, architecte et  membre de la famille d'Artioli.
Parallèlement, le capital est réuni pour financer tout ces projets.
Durant l'année 1988, les grandes lignes de la future supercar vont être définies. 
Le cahier des charges défini que l'auto doit être prête en 1991, pour le 110ème anniversaire de la naissance d'Ettore Bugatti. En conséquence, elle prendra le nom d'EB 110.
Paulo Stanzani veut créer la meilleure voiture de sport du monde. Il va conceptualiser une auto compacte et technologiquement très avancée. En dehors des quatre roues motrices, de la création d'un V12 3,5l de taille réduite, équipé de cinq soupapes par cylindre et suralimenté par quatre turbos, l'utilisation du carbone kevlar, de l'aluminium en structure nid d'abeille pour le châssis et du titane pour de nombreuses pièces est  prévue dès l'origine.
Stanzani envisage même un temps de développer une suspension active et de confier le freinage de la Bugatti à des disques en carbone, mais la phase de développement de l'auto étant limitée dans le temps, ces deux options sont vite être abandonnées.
Le 19 octobre 1988, les plans du châssis sont arrêtés et envoyés à l'Aérospatiale avec laquelle Bugatti s'est associé pour la fourniture des pièces nécessitant des techniques aéronautiques. Les cinq premiers châssis, en aluminium et structure nid d'abeille, destinés à construire les modèle de développement, vont être réalisés dans ce cadre.
Début 1989, les plans du châssis sont envoyés à quatre entreprises de design italiennes : Paolo Martin, Giorgetto Giugiaro, Nuccio Bertone et Marcello Gandini vont tenter de répondre aux exigences de Stanzani.
C'est finalement Gandini, le père de la Miura et de la Stratos qui va remporter le marché et crée une auto très compacte aux formes anguleuses.
Le 16 mars, le premier moteur tourne au banc d'essais, le premier châssis est livré à la même période.
Le 30 octobre, des essais aérodynamiques débute dans la soufflerie Pininfarina sur la maquette de Gandini.
A la fin de l'année 1989, la première carrosserie en aluminium est formée chez Golden Car.

Une des dernières Bugatti EB 110 S produites, #S37, à Rétromobile en 2018.
Une des dernières Bugatti EB 110 S produites, probablement #S37, à Rétromobile en 2018.


Début 1990, l’Aérospatiale a déjà fourni sept châssis et l'assemblage des deux premières autos, A1 et A2, débute au mois de mai.
En juillet, Paolo Stanzani se brouille avec Romano Artioli et se fait débarquer du bureau d'étude, il quitte le projet.
Il est remplacé par Nicola Materazzi, le père de la F40, qui va se faire assister par Pavel Rajmis, qui à développé le système Quatro chez Audi.
Le prototype A1 est testé en soufflerie en juillet et effectue ses premiers tests sur piste le 23 aout 1990 à Campogalliano
L'usine est inaugurée le 15 septembre, jour anniversaire de la naissance d'Ettore Bugatti.
Les mois suivant vont être consacrés aux essais sur piste, les pilotes Bugatti usant le tarmac de la plupart des grands circuits européens.
Très vite, deux problèmes majeurs vont apparaitre. D'une part, le châssis en aluminium montre des problèmes de rigidité structurelle, d'autre part, les pneus Michelin sont inadaptés pour transmettre les 550 cv et le couple phénoménal de l'EB 110.
Parallèlement, le dessin de Gandini est de plus en plus critiqué au sein du bureau d'étude.
Nicola Materazzi va travailler en collaboration avec l’Aérospatiale à l'élaboration d'un châssis carbone et la définition technique de l'EB 110 va être revue en profondeur. Un premier châssis en composite va être produit, il pèse le même poids que celui en nid d'abeille, 115 kg, mais offre deux fois plus de rigidité.
Sur le plan esthétique, la forme originale de Gandini va être retravaillée par une petite équipe dirigée par Giampaolo Benedini, l’architecte qui a dessiné l'usine.
Ils vont, petit à petit, redessiner l'EB 110 avec des formes plus fluides, remplacer les phares escamotables par une rampe fixe, donner à l'auto des lignes plus modernes. Plusieurs maquettes sont réalisées et testées à Milan dans la soufflerie Pininfarina. La dernière maquette adopte une calandre équipée du célèbre fer à cheval, l'EB 110 définitive est née.
A peine les tests en soufflerie achevés, la construction du premier prototype Benedini est lancé début aout 1991.
#C6 fait ses premiers tours de roues le 13 aout, les hommes de Bugatti ont un mois pour faire du prototype un véhicule de pré-série.
Romano Artioli va réussir son pari et, le 14 septembre 1991, l'EB 110 #C6 va être présentée officiellement au Centre International de l'Automobile à Pantin, avec un jour d'avance sur le planning initial.
Le lendemain, jour de l'anniversaire de la naissance d'Ettore Bugatti, l'auto est présentée à Molsheim puis au Musée Schlumpf de Mulhouse.
Début 1992, Bugatti annonce une version allégée et plus musclée de sa supercar, l'EB 110 Supersport, qui va être présentée le 5 mars lors du Salon de Genève.
Le 24 mai, sur l'anneau de Nardo en Italie, l'EB 110 #C7 bat le record du monde de vitesse pour une voiture de série avec 342 km/h.
Le 16 septembre, après un crash test réussi à l'UTAC, l'EB 100 est officiellement homologuée.
A Campogalliano, la production a démarré et la première auto est livrée en Suisse le premier décembre.
Le développement de l'EB 110 S débute courant mai 1993.
Fin 1993, suite à une crise financière au Japon, Artioli perd la vente des Suzuki en Italie qui permettait, en partie, d'équilibrer les comptes de l'entreprise. La supercar se vend, mais elle est chère à produire et les marges sont faibles. Il devient important de baisser ses coûts de production et de tenter de vendre l'EB 110 aux Etats-Unis et au Moyen Orient.

Les débuts du projet LM.
Bugatti EB110S LM Essais Préliminaires 8 mai 1994.
Les Essais Préliminaires du 8 mai 1994.


Fin 1993, des discussions sont entamées entre les représentants de Michel Hommell, son associé Olivier Quesnel et les dirigeants de Bugatti.
Le patron de presse français a dans l'idée d'exploiter au mieux le nouveau règlement qui va s'appliquer pour les 24 Heures du Mans 1994 afin d'y engager une EB 110S et de signer ainsi le retour de Bugatti dans la Sarthe, 55 ans après la victoire du Tank T 57C  en 1939.
British Motors, l'importateur Bugatti en France, va finalement servir d'intermédiaire. La coordination entre Bugatti et l'équipe de Lohéac ainsi que le suivi du projet étant confié à José Rosinski, ancien pilote et célèbre journaliste, qui officie également en tant qu'attaché de presse pour l'importateur.
Dès le début du projet, un partenariat avec Synergie Automobile, des anciens de Rondeau basés à Changé avec Lucien Monté, Philippe Bône et Phillippe Belloou à leur tête et qui ont déjà œuvré, notamment au développement des Venturi de courses est envisagé pour le montage, le développement et l'exploitation de la voiture.
Bugatti ne participe pas officiellement au projet LM, pourtant, le Département Expérimental de Campogalliano, dirigé par l'Ing. Carletti est mobilisé. Une réunion est organisée le 21 janvier 1994 avec les hommes de Synergie pour définir les tâches. Bugatti va être chargé de s'occuper de tous les éléments spécifiques au développement de l'EB 110, particulièrement des évolutions moteur. L'équipe de Changé va être chargée de la transformation de la supercar en voiture de course et de son exploitation. Le timing va être serré.
Un test d'endurance est organisé par Bugatti et Synergie au Castellet le 31 janvier. C'est Jean-Philippe Vittecocq, ex-pilote Michelin devenu pilote essayeur chez Bugatti qui va se charger de piloter le prototype #S8.
L'auto est saine et performante, mais peu adaptée au pilotage en circuit et les composants destinés à la série souffrent très vite. Le test s'achève sur une rupture du moteur n°022.
#S8 est de retour au Castellet du 05 au 07 février, elle est équipée d'un nouveau moteur, le n°027.
Au bout de trois jours de tests où Eric Hélary et Dieter Gass se sont relayés au volant, le constat est sans appel.
L'EB 110S est une voiture complexe, aux composants peu accessibles, et trop lourde pour envisager de l'utiliser sous cette forme en compétition.
La tâche se complexifie encore et de gros changements vont être nécessaires pour gagner du poids. Les hommes de Synergie vont redéfinir en partie l'auto sur le plan technique de façon à la rendre exploitable, ces évolutions vont nécessiter une nouvelle homologation pour la version LM.
L'idée de base d'utiliser une EB 110S de série modifiée est abandonnée au profit de la construction d'une auto spécifique destinée à la course.
Le 18 février 1994, Synergie fait la demande à Bugatti d'un châssis carbone nu et d'une carrosserie en aluminium. Officiellement, c'est Michel Hommel qui va passer commande de la voiture, le 25 février, par l'intermédiaire de British Motors.
Référencé #016 ou #S16 à l'usine, ce châssis possède une plaque d'identification incomplète qui semble indiquer qu'il a été fabriqué en marge de la production, probablement adapté selon des spécifications définies par Synergie.
#S16 arrive à Changé début mars et le montage commence. Les allers retours entre la banlieue du Mans et Campogalliano sont incessants.
A cette période, le Département Expérimental de Bugatti contacte différents fournisseurs pour les nombreuses pièces spécifiques à l'EB 110 LM : BBS pour des jantes, Michelin pour des pneus piste, ESSO pour du carburant et des lubrifiants compétitions, Carbone Industrie pour des disques carbone...
Les ingénieurs commencent également à travailler au banc sur des premiers blocs fabriqués, le 003, pour tester les différentes cartographies et tenter de récupérer les 600 cv d'origine malgré les quatre brides de 25,9mm imposées par l'ACO.
Le 18 mars, la fabrication du moteur de course, le n°104 est lancée, la fabrication du 105 débute dans les jours suivants. Les deux blocs seront achevés un mois plus tard à la mi-avril.
#S8 accumule les kilomètres en piste équipée du bloc n°087 alimenté en carburant compétition et de la cartographie course.
Chez Synergie, la cure d'amaigrissement de l'EB 110 continue. Les épures de suspensions sont revues et refabriquées en composite, les porte-moyeux changés, une bonne partie des éléments de carrosserie (portes, capots...) sont remplacés par des pièces en carbone, plus de 200 Kg sont gagnés.
Le 21 mars, une demande d'homologation pour le système de freinage Carbone Industrie est déposée auprès du ministère italien des transports, des mesures vont être réalisées sur les prototypes #S5 et #S8. Le système sera homologué officiellement le 30 avril.
Le 11 avril, l'Ing. Carletti est remplacé à la tête du programme compétition par Dieter Gass.
Le 25 avril, l'EB 110 LM quitte Changé pour être motorisée et achevée en Italie.
Le 28, le #S16 et le moteur n°104 sont assemblés. Dans cette configuration et équipée des brides ACO, le V12 à carter sec est donné pour 600 cv à 6200 tr/min pour un couple de 71 m.kg à 5000 tr/min.
Trois équipes vont se relayer  jusqu'à l'achèvement de la voiture le lendemain vers midi.
Dans la foulée, elle est transportée sur le circuit de Varano l'après midi même.
Du 1er au 3 mai, L'EB 110 LM roule à Lurcy Levy, Jean-Phillipe Vittecocq travaille sur les réglages.

L'EB 110 LM en piste.
EB 110 LM #S16 Pesage 24 Heures du Mans 1994.
Pesage des 24 Heures du Mans 1994.


La Bugatti fait son baptême officiel de la piste lors des Essais Préliminaires des 24 Heures du Mans 1994 le dimanche 8 mai.
Ses trois pilotes, Eric Helary, Alain Cudini et Jean-Pierre Malcher sont présents.
Durant la mâtiné, le V12 va rencontrer des difficultés à démarrer, mais une fois le problème réglé, l'auto va accumuler les tours en piste.
En fin d'après midi, Eric Helary signe un 4'12"78 qui place la Bugatti seconde en GT1 derrière..la Dauer 962.. et cinquième temps absolu.
L'équipe est rassurée et la performance d'Helary est une vraie récompense pour les hommes de Synergie qui ont passé de nombreux mois à transformer la supercar en véritable voiture de course.
Le 16 mai, des essais aérodynamiques sont menés chez Michelin à Ladoux. A la suite de ces tests, le bouclier avant est modifié pour gagner de l'appui et une lame y est ajoutée. Les écopes de refroidissement des freins migrent vers la calandre et leur emplacement d'origine est comblé par de nouveaux phares longue portée.
Des essais ont lieu au Bugatti du 27 au 29 mai pour affiner les réglages de suspensions. A cette occasion, les amortisseurs WP sont remplacés par des Koni. La Bugatti a parcourue 1400 Km d'essais sans problèmes majeurs.
A la suite de cette séance, le moteur n°104 est démonté et envoyé à Campogalliano et le n°105 est monté en prévision des 24 Heures.

Les 24 Heures du Mans 1994.
Bugatti EB 110 LM #S16 dans les stands 24 Heures du Mans 1994.
#S16 dans les stands.

José Rosinski, qui officie également désormais en tant que Team Manager, va marquer un bon coup publicitaire lors du pesage.
En effet, après avoir conduit la voiture par la route depuis Lohéac, il va se rendre également aux vérifications techniques, place des Jacobins. Pour l'occasion, l'EB 110 LM est équipée d'une immatriculation temporaire, 50 W 72.
Le Mardi, Jean-Pierre Malcher, malade, doit déclarer forfait.
Rosinski appelle tout ses contacts mais finalement, sur les conseils de Jean-Luc Taillade, il va recruter en urgence Jean Christophe Boullion, alors pilote Dams en F3000 et ancien espoir de la revue Echappement.
Les essais se passent bien et Boullion s'habitue relativement vite à la voiture.
Eric Helary va signer un 4'16"94, plus de 3 secondes moins rapide qu'au mois de mai, mais la performance n'était pas vraiment le but recherché. Les hommes ont surtout travaillé sur les réglages courses. 
La Bugatti est 17ème sur la grille, cinquième en GT1.
Coup de théâtre entre le warm-up et la course. Pour la première fois de la semaine mancelle, les mécanos font un plein complet de carburant sur l'EB 110 LM, et ont la désagréable surprise de découvrir que le réservoir fuit.
En désespoir de cause, une réparation de fortune est tentée.
Mais le temps que la colle prenne, Alain Cudini va devoir prendre le départ avec un demi-plein.
Il s’arrête au bout de vingt minutes le temps de remplir un demi réservoir à nouveau et boucle son relais.
Lorsqu'Eric Helary prend le volant peu avant 17h, la Bugatti est 22ème. Les pilotes ont reçu pour consigne de ne pas brusquer l'auto. Helary repart avec plus d'essence que lors du premier arrêt de Cudini mais le réservoir n'est toujours pas rempli.
Jean-Christophe Boullion relaye Hélary à 17h45, l'EB 110 LM ressort 25ème des stands, la fuite du réservoir semble enfin réparée. La belle GT va pouvoir alors montrer son vrai potentiel.
Cudini reprend le volant peu après 18h30, avec le bon relais de Boullion avant lui, à 19h, l'EB 110 LM a repris cinq places et pointe 20ème.
Les relais s’enchainent sans aucun problème et la Bugatti se montre très performante, Alain Cudini la fait rentrer dans le top 10 à 23h, et même si elle doit laisser passer le Kremer K8 durant l'heure suivante, elle reste dans les dix premiers.
Depuis le début de la nuit, les pilotes Bugatti doublent leur relais.
Helary fait un stop imprévu peu après minuit pour faire refixer une vitre latérale et perd trois minutes.
La remontée continue, à peine perturbée par un changement de disques avants et arrières prévu peu avant 3h30.
Ce changement prend dix minutes, et à la mi-course, la Bugatti pointe au septième rang, à un tour de la Porsche Larbre n°52, leader en GT2.
Cudini dépasse la Carrera RSR dans l'heure suivante, mais le retour, une nouvelle fois du K8 stabilise les positions.
Et pourtant, Jean Christophe Boullion va dépasser le spider allemand et prendre la sixième place peu avant 7h du matin. Tant du coté de Campogalliano que de Lohéac, toute le monde est aux anges.

Bugatti EB 110 LM #S16 Le Mans 1994
L'EB 110 LM au Dunlop le samedi soir.

Pourtant, les vrais difficultés vont arriver peu de temps après.
Boullion rentre à 7h15 pour une vérification des turbos qui dure quatre minutes et repart.
Il retourne aux stands quatre tours plus tard, les mécaniciens s'attaquent aux changement des deux turbos de gauche.
Malgré tout les efforts de Synergie pour améliorer accessibilité aux organes mécaniques, l'opération est complexe et longue. Les mécanos en profite pour nettoyer également les radiateurs.
Alain Cudini ressort des stands après 1h24 d'intervention, la belle italienne est retombée au 12ème rang.
Le parisien rentre de nouveau à 9h33, des durites ont été mal fixées et fuient.
L'arrêt dure 14 minutes, Helary repart à 9h47 et rentre au tour suivant.
Les deux turbos de droite doivent être remplacé et, encore une fois, un des turbos du coté gauche.
Helary ne ressortira des stands que 3h36 plus tard.
Entre 7h et 13h30, l'EB 110 LM n'a effectué que neuf tours, elle est désormais 20ème.
Mais décidément le sort s’acharne, Eric Helary doit s’arrêter sur le circuit près d'un poste de commissaires, de l'huile à coulé sur les turbos provoquant un début d'incendie. Il réussi à repartir sept minutes plus tard mais sort de la piste peu avant la fin de son relais.
Boullion prend le relais à 14h28, la voiture marche bien et elle attaque la dernière heure de course au 17ème rang.
A 15h12, alors qu'il vient de dépasser Bertand Balas sur la Viper orange au freinage de la première chicane, la Bugatti lui échappe brusquement, probablement suite à une crevaison, part en tête à queue et tape de l'avant dans les rails extérieurs.
La Bugatti n'ira pas plus loin.
L'expérience s'est pourtant révélée positive aux vues des performances de la voiture et de la sympathie qu'elle a suscité auprès du public.
Pour rendre hommage aux mécaniciens de la Bugatti (Pierre Biret, Michel Meiche, Massimo Benevelli et Alessandro Benedetti), il vont recevoir le Prix ESCRA qui va les récompenser pour leurs nombreuses brulures et leur persévérance.
L'EB 110 LM va être réparée durant l'été 1994 et remotorisée avec le bloc n°104.
Elle va ensuite intégrer jusqu'en 2013 la collection du Musée de Lohéac, présentée avec son moteur de course, le n°105 à coté d'elle.

Bugatti EB 110 LM, #S16, Le Mans 1994.
La Bugatti aux Esses de la Forêt au levé du jour.

La fin d'une belle histoire.

Début 1995, Bugatti est en difficulté.
L'argent manque et l'entreprise a des difficultés à payer les fournisseurs. De fait, la production ralentie.
La situation est d'autant plus paradoxale que les carnets de commandes sont pleins.
Le 23 septembre, Bugatti Automobili Spa est officiellement déclaré en faillite et l'usine est fermée par un mandataire judiciaire, les 220 ouvriers se retrouvent au chômage.
La faillite de Bugatti est déclarée définitive par décision de justice en février 1996.
Le 4 avril 1997, une vente aux enchères est organisée pour liquider les actifs de la société.
C'est a cette occasion que le Groupe Volkswagen va racheter le nom et son exploitation.
Mais peu de temps avant la fin de cette belle aventure, une seconde Bugatti de course avait vu le jour pour le compte d'un jeune héritier d'une riche famille monégasque, Gildo Pallanca-Pastor. Cette auto, moins ambitieuse que l'EB 110 LM et devant répondre au règlement IMSA et BPR, c'est l'EB 110 SC.

La Bugatti EB 110 Sport Competizione.

Gildo Pastor contacte Bugatti à l'automne 1994. Il vient de créer une structure de course, le Monaco Racing Team, et envisage d'engager une EB 110 S dans le championnat américain IMSA GTS1, dont le règlement est proche du championnat BPR naissant.
Cette demande est prise avec beaucoup d’intérêt à Campogalliano, Bugatti cherchant à conquérir le marché américain.
Une nouvelle fois, Synergie participe au projet, mais seulement en tant que sous traitant. Bugatti a en effet décidé de développer cette nouvelle  EB 110 de course en interne, au sein du Service Expérimental.
Elle va prendre le nom d'EB 110 SC pour Sport Competizione.
Le projet est lancé en décembre 1994, avec comme date butoir juin 1995, la première course de l'auto étant prévue 25 juin.
Une nouvelle fois, un châssis carbone spécifique, le #044, donc hors production, va être fabriqué.
Hormis un effort d'allégement, le gros du travail va porter sur une importante modification du train avant de façon à corriger le gros défaut de l'EB 110 LM, son instabilité au freinage.
Parallèlement, deux moteurs, le n°128 et le n°151 vont être développés selon des spécifications différentes. A priori, il semble que le bloc n°128, équipé de brides de 27,4mm ait été développé en fonction du règlement IMSA, le n°151 en fonction du championnat BPR.
L'EB 110 SC est achevée le 20 juin 1995 et, après un bref roulage à Vallelunga, elle est expédiée aux Etats Unis pour sa première course.
Le 25 juin, elle coure au Watkins Glen IMSA aux mains de Patrick Tambay et Gildo Pastor. Les deux hommes finissent 19ème et 5ème en GTS1, ce qui est plutôt encourageant pour une auto en manque de roulage.
Le 16 juillet, aux 1h45 de Sear Point, Gildo Pastor termine 16ème et 6ème en GTS1.
Le 27 aout, l'EB 110 SC débute en BPR aux 1000 Km de Suzuka, elle est pilotée par Eric Helary et Guildo Pastor.
Helary la qualifie à une belle 12ème place, mais en course, la boîte lâche après une centaine de tours.
#044 est envoyée à Campogalliano mais Bugatti est déclarée en faillite le 15 septembre et l'EB 110 SC se retrouve sous le coup d'une rétention administrative, comme tout ce qui se trouve dans l'usine.
Des procédures sont lancées par Gildo Pastor pour la récupérer mais la saison 1995 s’arrêtera là pour l'EB 110 SC.
Elle réapparait en course les 3 et 4 février 1996 pour les 24 Heures de Daytona.
Elle est pilotée à cette occasion par Gildo Pastor, Olivier Grouillard et Derek John Hill.
L'EB 110 SC part 21ème. Rapidement, la pluie fait son apparition et ses quatre roues motrices font merveille.
A la deuxième heure, la Bugatti est remontée au 6ème rang. Mais des problèmes de boîte et d'électronique vont apparaitre et finiront par causer son abandon à la septième heure.
Impasse est faite sur le manche BPR de Monza et l'auto réapparait aux Essais Préliminaires des 24 Heures du Mans 1996, le 28 avril. 
L'EB 110 SC a évolué sur le plan aérodynamique avec un nouvel aileron, plus large, et des extracteurs d'air de frein différents à l'avant.
Patrick Tambay démarre dès la première demi-heure.
Il signe un premier tour lancé en 4'26"288, mais dès son second tour, la Bugatti lui échappe dans le nouvelle portion et il tape très violemment de l'avant.
Fort heureusement, Patrick Tambay est indemne mais la voiture est détruite, le châssis carbone à cassé.

Bugatti EB 110 SC #044 Essais Préliminaires 28 avril 1996
L'EB 110 SC #044 vient de rejoindre le parc fermé après l'accident de Patrick Tambay.

L'EB 110 SC, qui avait été acceptée comme quatrième suppléante n'est évidement pas qualifiée, son aventure aux 24 Heures du Mans 1996 s’arrête ici.
Le MRT va contacter le Bugatti Fallimento Spa, la structure crée pour liquider les actifs de Bugatti afin d'acheter un nouveau châssis. C'est le #S32, provenant qu'une auto inachevée qui va être vendu au team monégasque.
L'EB 110 SC va être remontée pour les 2 heures de Dijon le 9 juin.
La Bugatti grise va achever sa carrière en course par un accrochage avec une Porsche.

Réparée, elle va trôner dans le showroom de MRT à Monaco jusqu'en 2015.
Elle a été vendue en 2016 lors du salon Retromobile.


Les photos illustrant cet article ont été prises lors des Essais Préliminaires des 24 Heures du Mans 1994, des 24 Heures du Mans 1994, des Essais Préliminaires des 24 Heures du Mans 1996 et du Salon Retromobile 2018.

 

Sources : EB 110 Registry, Johann Petit ; Annuel des 24 Heures du Mans 1994, Jean Marc Teisseidre et Christian Moity ;  Annuel des 24 Heures du Mans 1996, Jean Marc Teisseidre et Christian Moity ; Sport Auto Juin et Juillet 1994, Gérard Crombac.

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