27 Janvier 2019
Lors de la saison 1967, Porsche va construire sa première auto spécifiquement développée pour le circuit du Mans.
Je vous propose de vous raconter son histoire.
Pour la saison d'endurance 1967, le cheval de bataille de Porsche va être la 910, tout du moins en début de saison, puisque le développement de la la 907 prévoit qu'elle débute au 24 Heures du Mans.
La Porsche 910 fait son entrée à Daytona et ses pilotes, Jo Siffert et Hans Herrmann la mènent à une superbe quatrième place derrière le trio Ferrari, elle gagne évidement la classe 2l.
Au 12 Heures de Sebring, les 910 finissent 3 et 4 et gagnent une nouvelle fois la classe 2l.
La Porsche 907 est la première développée par la firme de Stuttgart spécifiquement pour le Mans, et ce, sans aucun compromis.
On peut considérer la Porsche 907 comme une évolution aérodynamique de la 910.
Contrairement à son aînée, sa carosserie est étudiée dans les souffleries de Stuttgart et de VW.
Elle restera à jamais la Porsche ayant le meilleur Cx jamais vue sur le circuit sarthois, 0,27, ce qui, selon les calculs de Porsche lui permet de dépasser les 300 km/h.
Pour gagner en traînée et éviter toute entrée d'air sur la partie frontale pour refroidir les freins, la 907 est équipée de disques ventilés à l'avant.
Sa suspension est également modifiée par rapport à la 910 avec des ressorts plus courts.
Début avril 1967, la première Porsche 907 produite, la #001 participe à une séance d'essais à Hockenheim pour travailler sur sa mise au point.
Elle est atteinte rapidement par des problèmes de surchauffe du moteur et de la boîte de vitesse.
La carrosserie est alors modifiée avec l'adjonction d'entrée d'air périscopiques à l'arrière pour refroidir la boîte.
Peu après, #001 et la toute neuve #002 sont envoyé à Wolfsburg pour affronter la "piste de tortures" de VW.
Suite à ces tests, le réservoir en magnésium est remplacé par un élément en aluminium, les demi-arbres sont redessinés pour gagner en résistance et le châssis est également renforcé au niveau des supports de boîte.
Porsche, pour cette année 1967 au Mans, vise la victoire à l'indice de performance, les 907 seront donc équipées du flat 6 2l. Ce sera leur seule course avec ce moteur.
Ce sont les Porsche 907 #001 et #002 qui participent aux essais préliminaires des 24 Heures le 9 avril 1967.
Elle sont équipées pour l'occasion d'un nouveau système d'injection développé par Bosch.
Les pilotes se plaignent d'une très grande instabilité à haute vitesse et différents becquets sont testés, sans grand résultat.
Il semble que la 907 déleste aussi de l’avant puisqu'elle va également être équipée de flaps durant cette séance d'essais.
Autre problème, le système d'échappement qui donne dans la queue de la 907 est, semble-t-il, perturbé par le flux d'air et provoque des retours de gaz dans l'habitacle.
Les ingénieurs tentent de rallonger les échappements avec des feuilles d'aluminium roulées, mais les pilotes sont toujours incommodés.
Dans ces conditions, il est difficile de trouver une réelle signification aux temps réalisés durant ce weekend.
Gerhard Mitter signe le 20ème temps sur la #001 en 4'23"8, à 27 secondes de l'Alfa Romeo 33 de De Adamich et à près d'une minute pleine de la Ferrari P4 de Bandini.
Pire encore sur la #002 Herbert Linge ne peut faire mieux que le 28ème temps en 4'48"2.
Il y a donc manifestement encore beaucoup de travail à faire d'ici le mois de Juin et les ingénieurs du service course se remettent à la tâche.
Pendant ce temps, la Porsche 910 continue d'engranger des succès de classe et de très bon résultats, troisième à Monza avec Mitter et Rindt, seconde à Spa avec Siffert et Herrmann.
S'enchaînent alors deux victoires au général, Stommelen et Hawkins gagnent la Targa et Porsche fait un triplé, Schütz et Buzetta s’imposent au Nurburgring et Porsche truste les quatre premières places.
Ce sont deux Porsche 907 neuves, #003 et #004 qui sont présentées au pesage des 24 Heures du Mans 1967.
Elles ont été achevées la semaine précédente.
Depuis avril, elles ont évoluées sur quelques points.
L'échappement sort désormais sous la queue longue pour éviter les émanations, les suspensions ont été modifiées et durcies afin d'apporter un peu de stabilité.
Deux petites entrée d'air dynamiques en forme d'obus sont montées de chaque coté de la bulle du capot arrière, mais comme les flasques de roues montées aux essais, elles ne seront pas conservées pour la course.
Les 907 sont également pourvues des entrées d'air périscopiques de refroidissement de boîte
qui n'étaient pas présentes en avril.
Un becquet couvre toute la largueur du capot arrière pour tenter d'amener plus de stabilité à l'auto.
Les modifications apportées ont porté leurs fruits, au volant de la n°40, #003, Jochen Rindt, presque "sans forcer", signe un 3'43"100 qui place la voiture au 22ème rang.
Sur la #004, Jo Siffert réalise un 3'41"6 qui le place 21ème, neuf secondes devant la Matra de Beltoise.
Les 907 ont amélioré leur temps de plus de quarante seconde par rapport aux essais d'avril.
Rindt et Siffert vont prendre le départ, et l'autichien va se montrer le plus véloce, bouclant la première heure au 17ème rang.
Mais le suisse n'a pas dit son dernier mot et remonte dans le sillage de la 907 à parement rouge.
Rindt va signer un 3'40"100 pendant la bagarre, à plus de 220 km/h de moyenne et plus vite que Siffert aux essais.
Hans Herrmann se montrera pourtant plus rapide que Gerhard Mitter durant ses relais et à la sixième heure, la 907 à parement vert est passée devant la rouge.
Il est à noter que la durée théorique des relais de la 907, en fonction de sa consommation en carburant, aurait due être de 35 tours, cependant, elles ravitaillaient tout les 30 tours, durée dictée probablement par leur consommation d'huile.
Les deux autos sont onzième et douzième, mais Rindt fait le forcing.
Il va alors louper un rapport et rentrer la seconde au lieu de quatrième et provoquer un surrégime qui va endommager un des pistons du flat 6.
Il rejoint les stands au 103ème tour et l'auto se retire à 22h40.
L'abandon ne sera cependant officialisé qu'à la neuvième heure.
#004 va continuer sa course, et de belle manière.
Malgré un arrêt forcé d'Herrmann à la seizième heure à Mulsanne pour changer la courroie de la pompe d'injection, la n°41 franchi la ligne au cinquième rang.
Siffert et Herrmann gagnent l'Indice de Performance et terminent second au Rendement.
Sur 24 heure, la 907 a passé les 200 Km/h de moyenne.
Selon l'ACO, la Porsche 907 n'a finalement pas franchi les 300 km/h dans les Hunaudières, les relevés d'époque la donnant pour 295 km/h
Aucune 2l, n'avait jamais roulé aussi vite au Mans, et aucune n'a roulé aussi vite depuis.
L'histoire de 907#003 après le Mans 1967 est assez floue, les sources sont divergentes.
Selon certaines, elle est endommagée lors d'une séance d'essais commandité par Porsche puis revendue en l'état à Karl von Wendt.
Selon d'autres, cette accident à lieu après la vente.
Je n'ai personnellement pas de trace de cette séance d'essais, mais il existe une fiche d'usine notifiant la vente de l'auto à Karl von Wendt en janvier 1968, sans en préciser l'état.
#003 dont le châssis était apparemment brisé devait être réparé pour la saison 1968, mais von Wendt ne l'a jamais utilisé à cette époque, posant un doute sur cette réparation.
Il possédera plus tard deux autres 907, #028 et #032, il est donc possible que #003 ait alors servi de réservoir de pièces.
Elle reste dans tout les cas stockée dans le château de Von Wendt à Gevelinghausen.
Le baron allemand la conserve même lorsqu'il déménage dans le sud du Quebec et c'est là que son ancien coéquipier, Willi Kauhsen, va la lui racheter et la ramener en Allemagne au milieu des années 2000.
La réparation va être longue, puisque #003 ne réapparait qu'a Spa en avril 2014.
Elle roulera également au Mans Classic cette année là, pilotée par Jürgen Barth.
Toutes les photos illustrant cet article ont été prise à Magny-Cours lors des classics Days 2018.
Sources : Gérard Crombac , Sport Auto juin et juillet 1967 ; Christian Moity, Les 24 heures du Mans 1949-1973, Cinquante 24 Heures du Mans 1923-1982 ; François Hurel, Porsche au Mans 1966-1971 ; Dominique Pascal, Porsche au Mans ; Rob Semmeling, wegcircuits.nl, Porsche907RaceLog.