25 Mars 2019
Un retour du côté des bleues avec l'histoire du premier René Bonnet Djet et de sa participation aux 24 Heures du Mans 1962.
Fin 1961, des tensions apparaissent entre les deux figures majeures qui ont marqué la renaissance du sport automobile français d'après-guerre, René Bonnet et Charles Deutsch.
René Bonnet, sur les conseils de Paul Panhard dont l'entreprise vient d'être "mise sous tutelle" par Citroën, envisage de s'associer à Renault.
Charles Deutsch, pour sa part, veut rester fidèle au bi-cylindre Panhard, considéré par Bonnet comme étant à bout de développement.
Le divorce est effectif le 31 décembre, et courant janvier, la Régie annonce officiellement la fourniture de moteurs à René Bonnet pour la saison 1962.
Le 13 février, René Bonnet décide de faire le point sur la situation et sur les mutations qui traversent sa société.
Dans le cadre du journal télévisé, il tente de rassurer ses admirateurs concernant l'accord avec Renault, présente le Capricorne, nouveau logo de sa marque, ainsi que les nouveaux châssis construits pour la saison 1962 et le début de la mise en forme de la carrosserie de la première "Biplace Expérimentale".
Comme annoncé en février, René Bonnet avait demandé cinq engagements à l'ACO pour ces 24 Heures du Mans 1962, mais les retards pris dans la construction des châssis des Djet font que seulement trois voitures sont présentées au pesage, deux Barquettes Biplaces "Expérimentales" et ce Djet, #CGT RB5 1001.
Ce sont finalement Bernard Consten et José Rosinski qui ont été retenus pour piloter le Djet.
La première séance d'essais allait être une séance de roulage et de déverminage pour le Djet qui venait juste être terminé par les ateliers de Champigny.
La construction du Master et des premières carrosseries avaient également demandé un délai supplémentaire chez Chappe et Gessalin et du coté de Gordini, le 996 cm3 double arbre a été livré tardivement.
Aux essais d'avril, à la grande déception du public, la barquette biplace était équipé d'un 700 cm3 à culasse hémisphérique.
Je ne résiste pas à vous mettre ces images muettes, prises lors de la préparation des autos dans l'atelier et la cours de l'usine de Champigny, apparemment juste avant le départ pour la Sarthe.
On y aperçoit les deux Barquettes, le Djet 1001 à peine achevé ainsi que son bloc Gordini et le 1002 en cours de montage.
Lors des essais du jeudi, Robert Bouharde détruit littéralement la seconde barquette, la n°49, en essayant de passer à fond dans Maison Blanche comme le faisait Jean Vinatier.
Le pilote est secoué, mais heureusement indemne.
La Barquette, quant à elle, est irréparable.
Décision est alors prise par René Bonnet de faire venir à la hâte le second Djet (#CGT RB5 1002), non motorisé, dans lequel sera monté le 700 cm3 de la Barquette pour que Vinatier et Jean-Claude Vidilles, remplaçant de Bouharde puissent prendre le départ.
Le numéro 61 lui sera attribué.
Le départ de ces 24 Heures du Mans 1962 est donné sous un soleil de plomb et devant une affluence record (entre 250 000 et 300 000 personnes).
C'est l'Aston Martin de Graham Hill suivie par la Ferrari 330TRI d'Olivier Gendebien qui animent le début de course.
Le Djet n°46 roule bien, il se porte même vite en tête des voitures françaises.
Ses temps au tour sont plus qu’honorables, puisqu'il est plus rapide que les Alfa SZ 1300, la Morgan, les Sumbeam, et l'Osca 1600.
A 23 heures, le Djet est même pointé juste derrière la DB4 GT 3,7 Litres de Kerguen et Franc.
Pour le n°61, les choses sont bien différentes.
L'adaptation à la hâte du moteur de la Barquette pose d'énormes problèmes de refroidissement.
Vinatier et Vidilles vont abandonner peu après 20 Heures.
Vers 7h30, après une nuit sans grosse difficulté, le Djet n°46, toujours bien placé, s'arrête à son stand.
La quatrième ne passe plus.
Les mécanos vont essayé de débloquer la boîte pendant plus d'une demi-heure, sans succès.
Perdu pour perdu, René Bonnet prend la décision de faire continuer l'épreuve sur trois vitesse, en prenant 8000 tours dans les Hunaudières.
José Rosinki racontera cela dans Sport Auto et son étonnement que le moteur ait résisté à ce traitement pendant huit heures, précisant même qu'il n'avait jamais aussi bien marché.
Le Djet franchi en tout cas la ligne d'arrivée à la 17ème place et remporte la classe 850 à 1000cc.
La Barquette de Laureau et Armagnac reçoit elle aussi le drapeau à damiers, en 18ème et dernière position.
Chez René Bonnet la joie est de mise.
Seule petite ombre au tableau, la C.D. Panhard de Guilhaudin et Bertaut est arrivée devant le Djet, au 16ème rang, et remporte la classe 700 à 850 cc.
L'auto visible actuellement au Musée Automobile de la Sarthe a été reconstruite par Jean-Paul Humbert.
Le châssis originel de #CGT RB5 1001 était très abîmé.
De fait et selon Mr Humbert, l'auto bénéficie d'un châssis totalement neuf, celui d'origine n'ayant pas pu être sauvé.
René Bonnet avait aussi construit deux barquettes 700 Cm3 pour ces 24 Heures 1962.
On peut voir ici la maquette de soufflerie de ces autos.
Après sont accident des essais, Robert Bouharde va être remplacé par Jean-Claude Vidilles.
Une seule des deux barquettes va prendre le départ, la n°50 (# RB5 702) celle équipée de la conduite à droite.
Elle est confiée à Gérard Laureau et Paul Armagnac.
La Barquette avait montré son potentiel aux 1000 Km du Nurburgring en remportant sa classe et l'équipe René Bonnet était confiante sur ses capacités.
Comme le Djet, la Barquette fonctionne bien dans les premiers tours, mais après seulement une demi heure de course, la voiture s'arrête aux stands, pédale de frein tordue.
Il faut presque une demi-heure aux mécanos pour la détordre et souder une tige filetée en renfort.
Une fois la réparation achevée, elle pointe à la dernière position à son retour en piste.
Laureau et Armagnac donnent tout ce qu'ils peuvent et remontent peu à peu sur les CD.
Au petit matin, elle est toujours à plusieurs tours de la CD n°53, seconde à l'Indice derrière l'Abarth 700 n° 56.
Dans la matinée, la Barquette continue sa remontée et se retrouve maintenant à la 3° place de l'indice en ayant repris 3 tours à la CD.
Elle n'arrivera cependant pas à la dépasser et finira à troisième place de l'Indice de Performance et à la 18ème place au général.
Les photos illustrant cet article ont été prise au Musée Automobile de la Sarthe, jouxtant le circuit du Mans, en 2018et 2019, et à l'Espace Matra de Romorantin en 2017.
Sources : Christian Moity, Les 24 Heures du Mans 1949-1973 ; José Rosinki et Gérard Crombac, Sport Auto juillet 1962 ; Yves Marchais, Club-Djet.com.