8 Avril 2019
Un autre des douze prototypes de la Ford GT40, mais cette fois, un des cinq produits dans sa version roadster.
Une courte carrière et une longue disparition que je me propose de vous raconter.
La version roadster de la Ford GT40 a été conçue en Angleterre par la Ford Advanced Vehicle.
Les hommes de Slough sont partis d'un postulat assez simple : pourquoi ne pas appliquer à la GT40 une recette qui réussissait si bien à Ferrari avec ses 250, 275 et 330P?
Ainsi, les cinq derniers châssis de préproduction, construit fin 1964 chez Abbey Panels, allaient adopter cette configuration.
Les deux premiers, #GT/108 et #GT/109 sont livrés en mars 1965 à Shelby USA.
Dans la foulée, #GT/110 va être livré au McLaren Racing. Arrivée motorisée par un 289, elle va rapidement être modifiée et transformée en Groupe 7 par le néo-zélandais qui va y greffer un 427, #GT/110 devenant alors #X-1.
#GT/111, était préparée à Slough en vue de participer aux Essais Préliminaires des 24 Heures du Mans 1965 les 10 et 11 avril.
Quatre GT40 étaient présentes lors de ce weekend.
Deux préparées par Shelby American et confiées à Ken Miles, Bruce McLaren et Bob Bondurant, #GT/103 et #GT/104, et deux préparées par la FAV pour Richard Attwood, John Whitmore et Maurice Trintignant, l'ancienne voiture de développement de 1964, #GT/105, et le nouveau roadster, #GT/111
Les deux voitures de la FAV sont enfin équipées de la boîte ZF à cinq rapports synchronisés.
Ce weekend va surtout servir à tester différentes configurations aérodynamiques, mais aussi à comparer différentes montes pneumatiques. Les Firestone et les nouveaux Dunlop R7 vont être comparés aux habituels Goodyear.
Pour la FAV, ces deux jours vont également être l'occasion d'évaluer le potentiel du roadster vis à vis du coupé.
Sur le plan des tests de carrosseries, un capot avant préfigurant celui des futures Mk II est testé par Bondurant le samedi sur #GT/104.
Les deux voitures de la FAV sont équipées du capot avant type "Bahamas" agrémenté de flaps.
Mais cette journée pluvieuse, marquée par l'accident mortel de "Lucky" Casner sur la Maserati ne sera pas riche en performances.
Le dimanche, Richard Attwood réalise le troisième temps en 3'40"900 sur une #GT/105 équipée d'un "sur-becquet" en aluminium sur le capot arrière, il semble que les flaps aient été également retirés à l'avant.
Bondurant lui rend deux secondes en 3'42"900 sur #GT/104.
Le roadster est à la peine sur le circuit sarthois. John Whitmore ne peut faire mieux que le sixième temps en 3'50"000.
Pour avoir beaucoup rouler avec les deux voitures durant le weekend, le verdict du pilote au sticker Ford collé à l'envers sur son casque est sans appel, sur une piste aussi rapide, le coupé est cinq secondes plus rapide au tour.
Sur #GT/103, Bruce McLaren se contente d'un modeste septième temps en 3'52"100, mais le pilote a surtout travaillé le ressenti sur les pneus en rythme de course et n'a pas cherché la performance.
Attwood a battu de trois secondes le record établi par John Surtees un an plus tôt, mais une fois encore les Ferrari vont être les vedettes du weekend.
En effet, le Champion du Monde anglais pulvérise le record du tour en 3'35"100 avec la nouvelle P2.
Tommy Spychiger signe le deuxième temps sur la 365P de la Scuderia Filipinetti en 3'40"100.
Après les essais du Mans, #GT/111 retourne à Slough.
John Wyer a dans l'idée de l'aligner à la Targa Florio début mai.
Sur le sinueux circuit des Madonies, le déficit aérodynamique du roadster devraient être moins prégnant, au contraire, son centre de gravité légèrement abaissé devrait mettre en avant sa tenue de route et son cockpit ouvert permettre aux pilotes de moins souffrir de la chaleur.
#GT/111 est préparée pour la course sicilienne et repeinte aux couleurs de la FAV pour cette année 1965, un vert d'eau officiellement prénommé "Light Linden Green".
John Whitmore et Bob Bondurant sont désignés pour piloter l'auto dans cette course piégeuse.
La course de déroule sur dix tours, et c'est John Whitmore qui prend le départ.
Dès les premiers tours, le moteur manque de puissance, ils semble que le 289 ne fonctionne que sur sept cylindres.
Mais l'anglais s'en accommode et remonte jusqu'au troisième rang, et c'est a cette position qu'il entame le cinquième et dernier tour de son relais.
Mais un papillon s'est desserré et quelques virages plus loin, Whitmore perd une roue avant et part en tête-à-queue.
Par chance, il ne touche rien mais va perdre beaucoup de temps.
Il réussit à récupérer sa roue et à la remettre en place mais le papillon reste introuvable.
Un carabinier présent fini par intervenir et va menacer un collectionneur indélicat, qui fini par lui rendre la pièce.
Whitmore va rejoindre les stands et passer le relais à Bondurant
L'américain repart le couteau entre les dents et remonte peu à peu.
Le moteur perd de plus en plus de puissance, mais comme Whitmore, Bondurant signe une belle performance et poursuit sa remonté.
Malheureusement, lors du dernier tour, l'américain de fait surprendre par des gravillons projetés sur la piste par un autre concurrent et part à la faute.
Il heurte un muret et arrache la même roue que Whitmore avait perdu quelques tours plus tôt.
La GT40 n'ira pas plus loin, c'est l'abandon.
#GT/111 va retourner en Angleterre et être stockée à Slough dans un coin de l'atelier.
L'idée de la GT40 roadster ne va pas avoir de suite et la FAV va entamer la production des modèles de série.
Bien que réparable, #GT/111 va servir de réservoir de pièces et être dépouillée petit à petit.
Un matin, un des piliers de la FAV, John Etheridge, se rend au travail et constate que l'atelier a été nettoyé, et que les restes de #GT/111 ont été débarrassés par un ferrailleur.
Le châssis va être présumé détruit pendant plus de quarante ans.
Ce n'est qu'en Septembre 2006 que le châssis #GT/111 va refaire surface.
Lors du Festival de Goodwood, les mécaniciens de Gelscoe travaillaient sur une GT40 lorsqu'un des spectateurs s’approchât, disant qu'il possédait lui-même une GT40.
Les mécaniciens n'y firent d'abord pas attention, mais le spectateur insistât, précisant qu'il possédait la voiture depuis longtemps et qu'elle était à vendre, nécessitant une grosse restauration.
Dans le doute, les numéros de téléphone furent échangés.
Et, dans les jours suivants, les représentant de Gelscoe allèrent voir la voiture à Stratford, à l'est de Londres.
Ils ont trouvé un châssis, posé sur un vieux matelas, qui l'isolait du sol et le protégeait de la rouille.
Il n'y avait pas de toit et le pare-brise avait été coupé, mais ils se sont vite rendu compte qu'ils avaient à faire à quelque chose de très différent des GT40 de production dont ils s'occupaient habituellement.
Toutes les nervures de soutient des pontons étaient en acier perforé, ce qui est la marque des douze prototypes.
Les gens de Gelscoe ont alors compris qu'ils étaient en train d'observer un des roadster prototypes.
La transaction fut rapidement réglée, et c'est à ce moment que l'ancien propriétaire sortie la plaque de châssis...#GT/111.
Ronnie Spain fut contacté en Ecosse et, bien que septique, il accepta d'expertiser le châssis en décembre 2006.
Mais ses doutes se transformèrent en enthousiasme lorsqu'il rendit un rapport de trois pages prouvant l’authenticité du châssis.
«À mon arrivée à Gelscoe et à la présentation du châssis en question, j'ai été stupéfait de constater immédiatement que j'examinai un châssis authentique de la Ford GT40. Et en tant que véritable châssis et roadster, il ne pouvait s'agir que du châssis de la voiture manquante Targa Florio # GT / 111. ”
Le châssis a ensuite été minutieusement restauré et l'auto reconstruite, tout d'abord dans sa configuration des essais du Mans 1965. Elle sera vue à Goowood, puis au Mans Classic en 2008 sous cette forme.
A partir de 2012, elle apparait dans une configuration rappelant sa participation à la Targa Florio 1965 et #GT/111 se présente toujours sous cette apparence aujourd'hui.
- 6eme aux Essais d'Avril des 24 Heures du Mans 1965 avec John Whitmore, Richard Attwood et Maurice Trintignant |
- Abandon à la Targa Florio 1965 avec Bob Bondurant et John Whitmore |
Toutes les photos illustrant cet article ont été prises lors des éditions 2008, 2016 et 2018 du Mans Classic.
Sources : Alain Lacombe et Christian Moity, les Dossiers d'Auto-Passion ; Serge Bellu, les Cahiers d'Auto-Retro ; John S Allen, Ford GT40 ; François Hurel, Ford au Mans, Gelscoemotorsport.com.