Après une année 1992 pour le moins famélique, l'édition 1993 des 24 Heures du Mans est marquée par le retour des GT. Plus spécifiquement, c'est également le retour d'une GT française dans la Sarthe,la Venturi dans sa version 500 LM. La dernière participation d'une auto de ce type étant celle de l'Alpine A310 de 1977.
Petit retour sur l'histoire de Venturi. La Venturi est la descendante d'un coupé conçu par deux anciens de chez Heuliez, Claude Poiraud et Gérard Godfroy, dont la maquette fût présentée au Salon de Paris 1984. Le projet initial, basé autour d'une motorisation de Golf GTi va changer de nom à plusieurs reprises.
D’abord Valsimo, puis Ventury, M.V.S. (Manufacture de Voitures de Sport), l'appellation définitive Venturi est fixée avec l'arrivée dans le projet de Hervé Boulan, et de Hervé Le Jeune, en tant que PDG. Pour faire 100 % français tout en se démarquant d'Alpine, Ils décident, dans un premier temps d'équiper la Venturi du quatre cylindres en ligne 2,2l d'origine Chrysler, de 180 cv, de la Peugeot 505 Turbo. Le châssis est développé à Champagné, chez Auto Concept par Jean Rondeau et Philippe Belou et c'est donc à proximité du Mans que sont construits les prototypes.
Le décès de Jean Rondeau, le 27 décembre 1985 plonge l'équipe d'Auto Concept dans un profond désarrois, mais le projet continu, et les trois premières Venturi produites seront présentées à Paris le 27 mai 1986. En juillet de la même année, le Peugeot est remplacé par un V6 PRV de 2,5l, de puissance équivalente, et le développement continu. La production, confidentielle, va débuter dans l'usine de Cholet en 1987 et le premier client, livré en mai, n'est autre que Raymond Gouloumés, le président de l’A.C.O. Vaille que vaille, l'aventure continue et la voiture évolue jusqu'en 1992. Cette année là, Venturi rachète l'écurie de F1 Larousse alors en difficulté et présente une version musclée de la 260 Atlantique, poussée à 400 cv, à l'esthétique inspirée de la Ferrari F40 et destinée à courir dans une formule monotype, le Gentlemen Drivers Trophy. Avec 72 voitures produites pour cette formule et la possibilité de les reconvertir en version route en fin de saison, on peut considérer que l'opération est un succès, mais la société Venturi accumule pourtant les dettes.
La naissance de la 500 LM. En 1993, c'est toujours la course qui permet à Venturi de survivre et, à l’initiative de Stéphane Ratel, alors directeur de la compétition de la marque au gerfaut, la Trophy va servir de base à la production de 7 châssis destinés à courir aux 24 Heures du Mans. Baptisée 500 LM (500 cv, Le Mans), l'auto est présentée en février. Elle est toujours propulsée par un PRV, mais celui-ci, retravaillé chez EAI par Rémi Bois, un ancien du service moteurs chez Renault Sport, est réalésé à 3l , équipé d'une culasse spécifique, et développe désormais 480 cv à 6000 tr/min malgré les deux brides de 32 mm. Les deux turbos Garrett sont tarés à 1,3 bar au lieu de 0,95 pour la version Trophy. Le châssis poutre est renforcé en conséquence et gagne 30% en rigidité. La carrosserie en carbone-kevlar (à part le bouclier avant en poly) est retravaillée sur le plan aérodynamique et le refroidissement amélioré. Les géométries de suspensions sont revues pour s’adapter aux nouveaux Dunlop Racing montés sur des jantes de 18". Les freins, déjà en carbone de série, sont remplacés par des disques Carbone Industrie plus gros pincés par des étriers à quatre pistons Alcon. La boîte de vitesse est une Hewland DGB dont la fiabilité à déjà été prouvée et l'embrayage tri-disque est fourni par AP. Mais la mise en chantier tardive de la série des sept 500 LM va impacter sur leur mise au point. Les Venturi 500 LM vont goûter pour la première fois à la piste le 16 mai 1993 lors des essais préliminaires des 24 Heures du Mans. Trois autos sont présentes, dont une casse son moteur d'entrée. Jacques Laffitte jongle entre les deux autos survivantes pour signer un 4'25"14 assurant la qualification des sept GT françaises pour les prochaines 24 Heures. Dans la foulée, l'histoire va bégayer, puisque c'est dans les locaux de Synergie, à Champagné, que deux anciens de Rondeau, Lucien Monté et Philippe Bône, vont assurer la préparation des Venturi en vue des 24 Heures. Un programme de roulage et de fiabilisation va être mis en place sur le Bugatti, une des autos réussissant à parcourir 3500 km aux mains de Jacques Lafitte, Michel Maisonneuve, Patrice Roussel et déjà, Christophe Dechavanne. Au bout d'une semaine de tests, et avec 5000 km parcourus au total, d'importantes modifications sont apportées aux voitures déjà construites et à celles en finition dans l'usine désormais basée à Couéron.
La #007 aux 24 Heures du Mans 1993. Les sept Venturi 500 LM sont présentées et acceptées sans difficulté au Pesage. Les GT françaises ont sensiblement évolué depuis le moi de mai et leur passage chez Synergie.
Sur la #007, dernière produite et qui fait office de voiture d'usine, Jacques Lafitte est associé à Michel Maisonneuve et à l'animateur vedette de la télévision de l'époque, Christophe Dechavanne, passionné de sport automobile, ayant débuté le pilotage discrètement en Belgique quelques années auparavant et s'étant déjà régulièrement aligné dans le cadre du Trophée.
Aux essais, Jacques Lafitte signe le meilleur temps des Venturi en 4'19"670, presque sept secondes plus rapide qu'un mois plus tôt et assure le 27ème temps sur la grille. C'est neuf secondes moins vite que la XJ220, mais devant la plupart des Porsche RSR.
Mais tout à la fin de l'ultime séance du jeudi soir, Maisonneuve, persuadé qu'il peut être plus rapide que Lafitte part pour un dernier tour chrono.
Il ne terminera pas son tour lancé et la Venturi n°71 est signalée dans un bac à gravier.
Au retour de la voiture aux stands sur la dépanneuse et de son pilote, il s’avère que le clichois a tapé.
Tout un côté de la Venturi d'usine est détruit.
Les mécanos vont passer une nuit blanche, travailler toute la journée du lendemain et n'iront se reposer que tard dans la nuit du vendredi, mais la reconstruction de la #007 sera achevée pour la présentation des autos, le samedi à 10h. C'est Jacques Laffite qui va prendre le départ, un départ excellent d'ailleurs puis que lorsqu'il passe le relais à Christophe Dechavanne, la 500 LM est remontée au 22ème rang. Mais lors du premier relais de l'animateur, l'aileron doit être refixé. Cinq minutes et 15 places sont perdues.
L'animateur, qui était tant attendu, n'a pas au final pas déçu, et passe le relais à Michel Maisonneuve alors que la Venturi n°57 pointe devant toute les Porsche GT.
La position de la n°71 reste stable mais une purge des freins la fait encore reculer d'une place et perdre huit minutes peu après 19h30.
A 20h, la Venturi usine pointe au 38ème rang.
Lafitte puis Dechavanne vont ensuite relayer Maisonneuve et lors de son second relais, l'animateur TV va se montrer très bon, la Venturi bleue ayant gagné cinq places à 22h.
Mais le manque relatif de préparation de l'auto va alors se faire sentir et le pilote parisien qui va prendre le relais va alors s’engager dans une longue séance d'essais.
Entre 22h20 et 0h49, Michel Maisonneuve va s’arrêter huit fois : changement de boîtier électronique, 10 minutes de perdues, contrôles divers, 8 minutes, problèmes électrique, 6 minutes, changement de batterie, 4 minutes, changement du faisceau de bougie, 14 minutes, changement de bougie, 11 minutes, et par malchance, débris coincés sous la coque, 2 minutes.
L'addition commence à être lourde, la Venturi n°71 pointe alors au de nouveau au 38ème rang, mais à 49 tours de la Peugeot de tête, et surtout à 33 tours de la Jaguar XJ220 leader en GT.
Il passe le relais à Laffite peu avant une heure du matin et l'ex-pilote de F1 attaque comme un beau diable.
Il gagne deux places avant de sortir au virage Toyota à 2 h du matin et perd 17 minutes de plus à faire réparer la carrosserie et la suspension avant gauche. Dechavanne repart mais le bouclier frotte et il s’arrête au bout d'un tour, sept minutes pour le réparer au gaffeur et à mi course, l'animateur qui vient de doubler son relais pointe au 37ème rang et avant dernière des Venturi. La fin de nuit va être beaucoup plus calme, et les relais s’enchaîner jusqu'au lever du jour. Peu avant 9h, Michel Maisonneuve rejoint les stands comme il peut, le support du levier de vitesse a lâché.
Le bouclier est une nouvelle fois réparé, 21 minutes sont perdues. Laffite va le relayer à 10h29 et ce sera la fin de l'aventure pour la Jacadi, le le moteur rend l'âme peu après et l'abandon est officialisé à 11h42.
Décidément la course de la Venturi officielle aura été bien difficile, jalonnée du foule de problèmes de fiabilité.
Cependant, il est probable que tout ces ennuis soient la conséquence plus ou moins directe de la sortie de route des essais.
En effet, sur les sept Venturi ayant pris le départ des 24 Heures du Mans 1993, cinq vont rejoindre l'arrivée.
La meilleure, celle du team Agusta Racing, pilotée par Riccardo Agusta, Onofrio Russo et Paolo Mondi, se classe 23ème au général et 8ème en GT.
Le Championnat BPR et le Mans 1994. En 1994, la #007 va participer avec brio au Championnat BPR et s'aligner une seconde fois aux 24 Heures du Mans.
Pour affronter ce nouveau championnat dignement, Stéphane Ratel réussi à convaincre les dirigeants de la marque au gerfaut de faire évoluer la 500 LM.
La voiture est retravaillée sur le plan aérodynamique avec de nouveaux capots, plus galbé et plus large à l'arrière pour permettre le passage de roues de 14", et plus plongeant à l'avant avec un extracteur d'air agrandi.
Le pavillon a été modifié et le haut du capot moteur rehaussé pour y fixer un imposant aileron en carbone positionné très bas et qui repose désormais sur deux mats centraux.
Le refroidissement a été revu et les freins carbone sont maintenant identiques à ceux qui équipaient les Peugeot 905.
Le PRV a été une nouvelle fois modifié en profondeur chez EAI, à Monthléry, et développe à présent 620 cv à 7000 tr/min malgré deux brides de 37,1mm.
Hormis la gestion électronique, le gros du travail s'est concentré sur les culasses et les turbos, de plus grosse taille.
Pour encaisser le surcroit de puissance de 120 cv, la boîte Hewland DGB a été remplacée par une DGN aux pignons renforcés.
L'évolution est baptisé 600 LM.
Comme toujours chez Venturi, les décisions sont prisent tardivement et le retard dans la préparation fait que les 600 LM ne sont pas prêtes pour la première manche du Championnat BPR, au Castellet, début mars, mais ne débutent qu'à Jarama en avril.
Lors de cette saison sans titre final attribué, tout de même dominée dans l'ensemble par la Porsche Turbo S-LM confiée au Larbre compétition qui va aligner quatre victoires (les 4 Heures du Paul Ricard, les 4 Heures de Jarama, les 1000 Km de Suzuka et les 3 heures de Zhuhai), les Venturi 600 LM se seront tout de même bien défendues.
La #007, que l'on peut toujours considérer comme représentant l'usine, de façon semi-officielle, et va être confiée à Michel Ferté et au belge Michel Neugarten.
Le duo va s'imposer à deux reprises, début avril, lors de la seconde manche aux 4 Heures de Jarama et fin juillet, brillamment, lors des 4 Heures de Spa.
Mais hormis une bonne quatrième place lors des 1000 Km de Paris disputés fin mai à Monthléry et remportés par Henri Pescarolo et Jean-Claude Basso sur la Venturi 600 LM #009, la #007 ne verra jamais l'arrivée, confrontée à de perpétuels problèmes avec le PRV.
La huitième victoire, celle des 4 Heures de Vallelunga revenant, mi-juillet, à domicile, à la Ferrari F40 Bo Strandell de Anders Olofsson et Luciano Della Noce
La #007 terminera prématurément sa saison fin aout lors des 1000 Km de Suzuka suite à une violente sortie de piste. Elle ne participera pas à la manche de Zhuhai et sera renvoyé à l'usine pour y être réparée (reconstruite?).
Pour des 24 Heures du Mans 1994, hors championnat, Olivier Grouillard avait rejoint l’équipage franco-belge.
Michel Ferté qualifie remarquablement la 600 LM d'usine au 15ème rang en 4'07"99, quatrième en GT1, mais si l'on retire les temps des deux Dauer, il est en fait second des "vrais GT" à 1 centième de la F40 de pointe.
En un an, la Venturi a gagné presque douze secondes au tour.
La course va mal commencer, Ferté s'élançant dernier des stands suite à un problème de boîtier électronique.
Après un relais de folie, le français boucle la première heure au 10ème rang avant de passer le volant à Grouillard, mais vingt minutes plus tard, ce dernier rentre, en proie à des problèmes de turbo.
Vingt-cinq minutes sont perdues, Grouillard retourne en piste 39ème.
La course de la Venturi semi-officielle va alors être une longue remontée qui va l'amener jusqu'au 16ème rang à la huitième heure.
Mais le PRV va commencer à donner des signes de faiblesses.
Grouillard rentre à 00h32 et les mécaniciens vont passer 2h50 à changer une rampe de culbuteur, réparer l'allumage et tenter de résoudre les problèmes de culasse.
Le toulousain va retourner en piste à 3h21 puis rentrer aux stands après un tour, pour abandonner.
La Venturi 600 LM #007 fera son retour en course lors des 1000 Km de Paris 1995 aux mains de Jean-Bernard Bouvet et Jean-Paul Libert, mais, victime de problèmes moteur aux essais, elle ne prendra pas le départ.
Palmarès succinct de la Venturi 500/600 LM #007
- Abandon à la 20ème heure aux 24 Heures du Mans 1993 (moteur cassé) avec Jacques Lafitte, Christophe Dechavanne et Michel Maisonneuve.
- Abandon aux 4 Heures de Jarama 1994 (moteur) avec Michel Neugarten et Michel Ferté.
- Victoire aux 4 Heures de Dijon 1994 avec Michel Neugarten et Michel Ferté.
- 4ème aux 1000 Km de Paris 1994 avec Michel Neugarten et Michel Ferté.
- Abandon aux 24 Heures du Mans 1994 (moteur) avec Michel Ferté,Olivier Grouillard et Michel Neugarten.
- Abandon aux 4 Heures de Vallelunga 1994 (incendie) avec Michel Neugarten et Michel Ferté.
- Victoire aux 4 Heures de Spa Francorchamps 1994 avec Michel Neugarten et Michel Ferté.
- Abandon aux 1000 Km de Suzuka 1994 (accident) avec Michel Ferté et Eric Hélary.
- Non partante aux 1000 Km de Paris 1995 avec Jean-Bernard Bouvet et Jean-Paul Libert.
La Venturi 500 LM est un modèle que j’affectionne tout particulièrement en raison de ses exploits sur le circuit. Alors, merci pour cet article, je l’ai lu avec un grand intérêt.